Après les prémisses des années 20, les impacts de
l’Exposition de 1949 et le pic des années 70, le tourisme haïtien connaît une
décroissance sans pareille, caractérisée par la diminution de nos « first-time
tourists », qui atteindra son plus bas niveau lors de la tumultueuse période de
1986-1992. L’actuel gouvernement fait montre d’intérêt pour le secteur, avec
des initiatives et mises en place. Pourtant, les chiffres montrent une
stagnation des arrivées de touristes dans le pays comparativement à la réalité
chez nos voisins.
Publié le 2015-11-30 | Le Nouvelliste
Idées & Opinions -
Le tourisme fait référence à trois
éléments fondamentaux : 1- un individu désireux de se déplacer vers un lieu, 2-
l’espace-temps (durée) dans lequel se réalise ce déplacement et, 3- l’endroit
vers lequel cet individu se déplace. Nous pouvons résumer ces trois points aux
concepts de : touriste, voyage et destination. Comme phénomène social, apparu
au 19e siècle (Py, 2007 : 7), le tourisme découle de nombreux facteurs
socio-économiques, dont : le mythe de l’Éden, la régulation de la durée du
travail payant (les trois 8), la fin de la seconde guerre mondiale, la chute
des « murs », l’amélioration des conditions de vie dans les couches moyennes
des populations dans le monde (particulièrement dans les pays du Nord), la
démocratisation de la voiture (familiale) et de l’avion, l’apparition de/ et
l’accès à l’internet, l’affaissement du lien social communautaire (Cazes, 2004
: 247) et le culte d’une civilisation des loisirs plus récemment (Hall, 2011 :
5). Selon les derniers chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT),
le nombre de touristes atteindrait les 1. 3 milliard en 2014 (OMT, 2015 : 1),
soit environ 1/5 de la population mondiale. En tenant compte des prévisions,
l’OMT avance qu’autour des années 2030, il y aura environ 1. 8 milliard de
touristes dans le monde. Ce, surtout avec la rentrée des pays du BRICS (de la
Chine et de l’Inde surtout) dans le tout-tourisme. Malgré les contraintes et
risques multiples du monde actuel (guerre, terrorisme, tensions géopolitiques,
épidémies, etc.), les gens vont continuer à se déplacer sur toute la surface de
la planète. À elle seule, l’industrie du tourisme mondial représente : 9% du
PIB, 1/11 des emplois, 1. 5 milliard de dollars des E.U, 6% des exportations et
30% des exportations de services (OMT, 2015 : 2). Situé dans le bassin
touristique Amérique-Caraïbes, à proximité de deux grands mammouths du domaine
(USA, Canada), proche des destinations phares de la sous-région comme Cuba, la
République dominicaine et la Jamaïque, Haïti a reçu 465 000 touristes en 2014,
selon l’OMT (en excluant les croisiéristes). Alors que la Jamaïque connaît une
fréquentation de 2 080 000 touristes, Cuba de 2 970 000 et la République
dominicaine 5 141 000 (OMT, 2015 : 10). Ces pays voisins ont pourtant des
caractéristiques communes (climat, population, superficie, traits historico-culturels,
etc.) avec Haïti. Les rentrées de 2014 des touristes en Haïti représentent une
croissance annuelle de 20 à 30% (MTIC, 2015). Toutefois, nous continuons
d’accueillir 7 à 10 fois moins de touristes que nos voisins de la Caraïbe. Un
diagnostic de cet état de fait s’impose. 1- La crise sociopolitique permanente.
« Pral gen yon kouri » ! Pour ceux qui étaient présents en Haïti dans les
années 2000, ce refrain, son contenu et son utilisation ne détiennent aucun
secret. Nous sommes le fameux pays des « kouri ». Chez nous la violence, la
peur et les moments de panique sont accolés à l’actualité sociopolitique. De
temps à autre, il y a cette occupation du béton (avec tout ce qui y est relatif
: casse, vols, meurtres, intimidation, grèves, actes de vandalisme, etc.) que
propagent avidement les médias locaux et internationaux. De nos tumultes, le
touriste international lambda reçoit tout bonnement l’image d’un pays instable,
risqué et fragile. Un no man’s land. On lui fait part d’une interdiction
d’entrée (en lettres grasses), lorsqu’à la fin de chaque quinquennat, le
passage du pouvoir doit fatalement se faire dans le sang, les jets de pierres
et les pneus enflammés. Une analyse des chiffres des rentrées de touristes en
Haïti montre la corrélation entre la baisse des arrivées et les moments de
troubles sociopolitiques (86, 91, 2004, 2010) pour la période récente
(Sarassin, Renaud, 2014 : 2). 2- L’image d’Haïti à l’extérieur Avez-vous déjà
utilisé un moteur de recherche pour la quête d’informations sur Haïti ? C’est
un exercice recommandé ! Le nom d’Haïti est relié à tout ce qu’il y a de plus
négatif dans le monde contemporain : misère, immondices, violence, sorcellerie,
analphabétisme, dictature, bidonville, fatalisme, corruption, etc. Pour
modifier cette image, des réalisations concrètes, l’apport des médias
internationaux, l’utilisation des outils statistiques (pour le suivi continu
des arrivées de touristes) et des TIC (site, réseaux sociaux, applications,
etc.) sont de mise. Pour renforcer l’attractivité du pays, la promotion de nos
produits et la vente d’Haïti, comme destination touristique, doit se faire,
avec justesse et panache, sur : CNN, ABC, New-York Times, Radio Canada,
France24 et autres. Une information (les efforts actuels dans le secteur touristique
d’Haïti) qui n’utilise pas le canal des « grands » médias est ignorée,
marginalisée ou perçue comme douteuse dans la logique mondiale actuelle. 3- La
mise en tourisme réelle du pays Une mise en tourisme se traduit par
l’exposition de biens, d’espaces ou d’un territoire, avec l’intention d’y
attirer des touristes. Dans ce contexte, le marketing touristique pour Haïti
obligerait à : inciter le tourisme interne et national auprès des catégories
solvables du pays, encadrer les professionnels du tourisme pour la création de
produits compétitifs, jouer sur le rapport qualité-prix par rapport à la
concurrence globale. Nous devons aussi mettre l’emphase sur nos fêtes
(carnaval, paques, fêtes champêtres, noël, etc.) pour prévenir la saisonnalité
et conquérir le marché nord-américain auprès des séniors (en hiver
principalement). 4- Les Infrastructures d’accueil et le positionnement Malgré
les efforts actuels et passés, nous pouvons constater des manques chroniques
d’infrastructures d’accueil en Haïti. Qui dit tourisme, dit aussi un niveau
standard (acceptable) des infrastructures. Avec nos indicateurs qui sont au
rouge pour les ¾, nous pouvons même dire, avec ironie, que c’est une chance
pour nous que les touristes tardent encore à revenir. Le problème du positionnement
se pose également. Actuellement, Haïti fait référence à une destination ayant
un positionnement flou (écotourisme, luxe, balnéaire, religieux, bien-être,
évènementiel, etc.) pour une clientèle hétéroclite (jeunes, seniors, CSP+,
tourisme d’affaires, etc.). La redynamisation du tourisme haïtien doit se faire
avec la mise en place d’infrastructures d’accueil et d’un positionnement
distinct, sur des niches bien définies. Le tourisme se révèle être un choix
rentable pour la majorité des PVD dans le monde. Pour la seule année 2014, le
tourisme a rapporté 5.6 millions de dollars US (de recettes internationales) à
la République dominicaine. Les touristes ne viennent toujours pas en Haïti.
Nous devons les attirer et les rassurer pour qu’ils viennent (et restent) en
grand nombre. Nous devons insister sur ces points : stabilité sociopolitique,
campagne de communication pour repositionner l’image d’Haïti, mise en tourisme
effective du pays, construction et maintenance des infrastructures d’accueil.
Cette démarche globale sera l’affaire d’un État, sur le long terme, et non pas
d’un gouvernement sur un seul quinquennat ! Un peu plus loin, il nous faudra
poser la problématique de la durabilité du tourisme haïtien.
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